Jour de ressac
Jour de ressac
Maylis de Kerangal
Verticales, 2024
L’inconnu de la digue nord
La narratrice, doubleuse de cinéma vivant à Paris, reçoit un appel téléphonique de la police du Havre : son numéro de téléphone a été retrouvé sur un ticket de cinéma dans la poche d’un cadavre non identifié sur la digue nord, elle doit venir absolument le lendemain matin pour qu’on l’interroge. À la fois inquiète et intriguée, elle cherche dans ses souvenirs qui pourrait bien être cet homme, et prend le premier train pour rejoindre la ville où elle a grandi mais où elle n’est pas retournée depuis de nombreuses années.
Une odyssée intime
Bien qu’il présente tous les ingrédients du roman noir (corps non identifié, zone portuaire propice aux trafics en tous genres) ce livre n’en est pas un : on ne sait pas grand-chose du déroulement de l’enquête, et elle ne constitue pas le centre de l’intrigue. Très vite, ce faux polar se transforme en odyssée intime : la narratrice renoue avec la ville de son enfance et replonge dans son passé. Au gré de ses déambulations, elle revit des épisodes de son adolescence dans cette « ville moche » entièrement détruite par les bombardements de septembre 1944.
Pour la première fois, Maylis de Kerangal écrit à la première personne, ce qui rend le roman encore plus personnel, d’autant qu’elle le situe dans la ville où elle-même a grandi, si bien qu’au bout d’un moment, la narratrice et l’auteur semblent se confondre, et l’on peut se demander si ce ne sont pas ses propres souvenirs que Maylis de Kerangal ressuscite.
Un style inimitable
Le style de Maylis de Kerangal est reconnaissable entre mille : il est constitué à la fois de descriptions techniques précises et de passages lyriques qui peuvent inclure de temps à autre des termes plus triviaux, voire argotiques.
Elle mêle souvent, dans un récit très vivant, temps, lieu, intellect et émotions, faisant à la fois entendre, voir et ressentir la scène : « Je n'avais pratiquement fait que penser à ça depuis ce matin, mais y penser avait fini par prendre la forme d'une ville, d'un premier amour, la forme d'un porte-conteneurs. »
Née à Toulon, Maylis de Kerangal a passé son enfance et son adolescence au Havre. Son grand-père était capitaine au long cours, et son père pilote de navire. La mer a longtemps fait partie de sa vie. Elle est l’auteur de plus de quinze romans, dont les principaux sont parus aux éditions Verticales.
Agnès, octobre 2024