La bonne mère
La bonne mère
Mathilda Di Matteo
L'Iconoclaste, 2025
Véro, une mère marseillaise exubérante, déteste immédiatement l'amoureux parisien bourgeois de sa fille. Mais cette aversion cache quelque chose de bien plus profond qu'un simple clash culturel. Derrière les apparences, Véro incarne un féminisme au quotidien.
Véro est l'archétype de la "cagole", cette féminité populaire exacerbée, celle des paillettes, fourrures et talons aiguilles, cette figure sudiste qui dérange. Un mot longtemps vécu comme une insulte par Clara, qui comprendra qu'à Paris "nous sommes toutes les cagoles de quelqu'un".
Mais le livre de Mathilda Di Matteo déjoue tous les clichés annoncés. Derrière cette figure flamboyante se cache une femme d'une profondeur insoupçonnée : elle gère seule toute la charge émotionnelle familiale (le père est absent malgré ses déclarations d'amour), s'occupe de sa belle-mère en fin de vie, et s'appuie sur un réseau d'amies solidaires. Sans avoir les mots du féminisme intellectuel, elle l'incarne par sa vie et sa lucidité.
De Marseille à Paris : une ascension sociale aveugle aux violences de classe
Clara a quitté Marseille pour intégrer Sciences Po Paris, portée par son excellence scolaire. Féministe en théorie et fascinée par son nouveau monde parisien, elle reproduit pourtant sans le voir les schémas de violence qu'elle a connus enfant. Son "amoureux" la manipule et la rabaisse verbalement, une violence psychologique de classe bourgeoise qu'elle ne reconnaît pas, habituée à d'autres violences, celles de son milieu d'origine. Elle attribue son malaise à son sentiment de ne pas être pas à la hauteur culturellement. La mère, grâce à son expérience des violences conjugales, identifie immédiatement le danger. Mais l'écart culturel avec sa fille empêche le dialogue.
Une écriture à deux voix qui dit les violences sans moraliser
En alternant brillamment le bagou maternel flamboyant et les monologues intérieurs angoissés de Clara, la narration dresse une sociologie subtile des classes sociales et une psychologie fine des personnages. Influencé par la culture populaire des séries comme Gilmore Girls, ce roman porte un discours puissant sans jamais être moralisateur sur les violences patriarcales qui changent de visage selon les milieux.
Marie, novembre 2025
